mardi 21 avril 2015

Les élections générales mode d'emploi

Le 7 mai, tout le Royaume-Uni est invité à se rendre aux urnes pour les élections générales. Les électeurs doivent choisir leur député et, par ce vote, déterminer la couleur politique du prochain parlement. Le prochain premier ministre, selon toute vraisemblance l’actuel premier ministre David Cameron du parti conservateur, ou le chef de l’opposition travailliste Ed Miliband du parti travailliste, devrait être issu du parti majoritaire.
Qui vote ?
C’est là une originalité méconnue du corps électoral britannique. Tout comme les citoyens britanniques, les ressortissants du Commonwealth et d'Irlande peuvent voter pour les élections générales, ainsi qu'à toutes les autres élections. Ainsi, un Fidjien, un Ghanéen ou un Canadien dûment enregistré sur les listes électorales pourra glisser son bulletin dans l'urne le 7 mai. En revanche, un Français de Londres ou un Britannique habitant Jersey ne pourront pas voter, l'un parce qu'il n'est pas ressortissant d'un pays du Commonwealth, l'autre parce que les îles Anglo-Normandes ne font pas parti du Royaume-Uni. Environ un million d'électeurs appelés aux urnes sont des non-Britanniques.

Comment vote-t-on ?
Là aussi, on observe de grandes différences avec la France (on pourrait même dire avec l’ensemble de l’Europe). Le vote a toujours lieu un jeudi, donc si vous travaillez ce jour-là il vous faudra aller voter avant ou après votre journée de travail. Un mois avant la date, vous recevez chez vous une poll card vous indiquant l’emplacement de votre bureau de vote, mais vous n’en avez pas besoin pour voter. Arrivé au bureau de vote, on vous demande seulement votre nom et votre adresse. Pour voter, vous allez dans un « isoloir » dépourvu de rideau et vous faites une croix sur le bulletin de vote. Il n’y a pas d’enveloppe pour le mettre dedans, il vous faut plier le bulletin si vous voulez cacher votre choix. Ensuite, vous placez le bulletin dans une urne transparente… ou totalement opaque selon les bureaux, car il n'y a pas de normes pour les urnes au Royaeume-Uni. Le soir, à la fermeture des bureaux de vote, vous vous installez devant votre téléviseur pour la « soirée électorale »… animée essentiellement par des journalistes et des « experts » car il n’y pas de débat entre dirigeants politiques et les résultats sont connus au milieu voire à la fin de la nuit, le temps de dépouiller les bulletins, les sondages sortie des urnes étant peu répandus ou fiables.

Elections 2015: quelles sont les forces en présence ?
Le système parlementaire britannique connaît de profonds changements depuis le début de la décennie.

D’une part, les élections de 2010 ont mis fin au bipartisme historique entre Conservateurs et Travaillistes, avec l’émergence d’une troisième force, les Libéraux-Démocrates, devenus le junior partner de la coalition formée avec les Conservateurs. Il semble que le mode de gouvernement par coalition, autrefois impensable en raison du bipartisme de la vie politique, fasse désormais partie du paysage politique britannique avec la montée en puissance de nouveaux partis, notamment les eurosceptiques de UKIP et les nationalistes écossais du SNP, qui disputent au Lib-Dem le rôle de troisième force politique du pays.

D’autre part, le référendum sur l’indépendance de l’Ecosse perdu par les nationalistes en septembre dernier a laissé des traces. Loin de s’avouer vaincus malgré les 55% obtenus par le « non », les nationalistes du SNP font pression sur Westminster pour obtenir davantage de droits (nous reviendrons dans un prochain billet sur les privilèges surprenants dont bénéficient les Ecossais). La nouvelle dirigeante du SNP, Nicola Sturgeon, a acquis la réputation d’une femme politique impitoyable, dont la ligne politique pourrait se résumer par « toujours plus » : plus de transferts financiers en faveur de l’Ecosse, plus de pouvoir politique pour le parlement écossais, plus d’influence au sein de l’union (elle réclame par exemple l’arrêt du dispositif de dissuasion nucléaire Trident). Le but du SNP demeure clair : la séparation pure et simple de l’Ecosse d’avec le Royaume-Uni, et l’intention d’organiser un nouveau référendum dans les prochaines années.

La fin du bipartisme place potentiellement les « petits partis » (principalement les Lib-Dem, UKIP, SNP, dans une moindre mesure les Verts et le DUP nord-irlandais) dans un rôle d’arbitre, avec pour certains la possibilité de former la prochaine coalition au pouvoir. On peut ainsi envisager une coalition entre les Travaillistes et le SNP, entre les Conservateurs avec UKIP ou entre l’un ou l’autre des deux grands partis avec les Lib-Dem. L’un des arguments des Conservateurs à l’encontre des Travaillistes est qu’une majorité travailliste serait contrainte de faire alliance avec le SNP (dont les sondages prévoient un triomphe en Ecosse) pour former une majorité, et serait ainsi otage d’un parti dont la mission est à court terme de « siphonner » la riche Angleterre et à moyen terme de briser l’Union. Un scrutin à enjeux donc.

Rendez-vous au lendemain du 7 mai pour commenter les résultats des élections!

A propos des Chroniques d'Albion

Bonjour et bienvenue sur mon blog!

Français expatrié à Londres depuis de longues années, je ne me lasse pas d’observer la vie ici, de la comparer à ce qu’elle peut être de l’autre côté de la Manche. Il y a tant d’idées intéressantes à piocher dans ces deux pays, et les deux peuples ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre.

Malgré leurs différences, la France et le Royaume-Uni sont des pays parfaitement comparables, bien plus que la France et l’Allemagne par exemple. Ils ont la même population, une économie comparable, comptent les deux plus grandes capitales d’Europe, sont les seules puissances nucléaires européennes, membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies, une même ouverture sur le monde héritée de leur histoire, un réseau diplomatique de premier plan... Plus encore, ce sont des pays qui ont profondément influencé la manière dont de nombreux peuples de la planète pensent la politique, le droit, les arts… Malgré leur déclin sur la scène internationale, les deux plus vieilles nations d’Europe demeurent des références pour le monde entier. Lorsque l’on regarde comment font les Britanniques par rapport aux Français, on ne compare pas seulement deux pays, mais deux génies nationaux, deux systèmes qui ont eu (et parfois ont toujours) une prétention universaliste.


Ce blog a pour modeste ambition de pointer les particularismes, le pittoresque, l’ingénieux ou l’absurde et de susciter la discussion. L’auteur de ces lignes, qui travaille dans le secteur financier, admire son pays d’origine comme son pays d’adoption mais n’hésite pas à prendre parti pour l’un ou l’autre, si le débat s’y prête. Il est consterné par ses compatriotes installés à Londres qui critiquent sans cesse, parfois à raison, souvent à tort, les travers français (sans doute est-ce la foi des convertis). Il l’est tout autant par ceux, moins nombreux il est vrai, qui refusent le moindre effort d’intégration et s’installent au Royaume-Uni dans un pur but alimentaire. Il pense que ces deux pays magnifiques, semblables et différents à la fois ont beaucoup à se dire, à apprendre et à partager.